Sophrologie, hypnose, méditation : Est-ce la même chose ? Ou sont les preuves ?


Lorsque l’on parle de sophrologie, d’hypnose, ou de méditation, plusieurs images viennent en tête. Chez moi, j’ai tout d’abord un son « vous allez inspirer …profondément … » d’une voix douce et grave. Mais j’ai aussi des images bien plus anciennes, ancrées dans ma mémoire d’enfant, où l’hypnose me vient à l’esprit en dessins animés.

Le Fakir dans Tintin, Osiris dans Astérix ou Kaa dans Mowgli ont forgé mon imaginaire d’une thérapeutique permettant la prise de contrôle.

Plus proche de nous, il existe des spectacles ou des émissions de télévision d’hypnose de spectacle, qui sont du divertissement

Ces idées sont bien éloignées d’une thérapeutique à laquelle nous pourrions faire confiance lorsque nous avons un problème de santé. Récemment, on entend également beaucoup parler de sophrologie, ou de méditation pleine conscience, qui pourrait être bénéfique pour beaucoup de monde, mais pour beaucoup de personnes, il est difficile de savoir quelles sont les réelles différences entre ces trois thérapeutiques. Faut-il faire confiance et envisager l’une de ces thérapies lorsque l’on a des douleurs chroniques ? Quelles sont les preuves scientifiques ?

L’hypnose

L’hypnose est un état modifié de conscience, cela veut dire que c’est différent de l’état de veille actuel, mais ce n’est pas du sommeil. On peut se retrouver dans un état proche de l’hypnose dans un certain nombre de situations du quotidien. Par exemple lorsque l’on est plongé dans un film, un peu physiquement lové dans le moelleux de son canapé, mais avec son esprit parti vivre dans le film.

Il s’agit d’une technique très ancienne, pratiqué de façon informelle par de nombreuses personnes. Il ne s’agit pas d’un titre réglementé, toute personne peut dire qu’il est hypnothérapeute, il n’est pas forcément médecin.

L’hypnose moderne a été décrite par Milton Erickson, on parle d’hypnose ericksonnienne. L’idée est d’utiliser des suggestions indirectes (on ne donne pas d’ordres, on réalise des suggestions vagues pour guider en laissant une liberté). Cela permet de lâcher prise. C’est un mode de fonctionnement psychologique dans lequel on peut parvenir a faire abstraction de la réalité environnante, tout en restant connecté à certains stimulus (par exemple la voix de l’hypnothérapeute).

Une séance en général commence par une phase initiale d’induction, afin de pouvoir entrer dans un état d’hypnose, plus ou moins profond, puis une phase de travail (ou de « transe hypnotique »), puis enfin on sort de l’hypnose.

Une des théories de l’hypnose est qu’elle pourrait permettre « d’accéder à l’inconscient », ou en tout cas que certaines barrières cognitives seraient moins présentes lorsque l’on est en état de transe hypnotique.

L’hypnose peut se pratiquer avec un hypnothérapeute mais également seul, on parle d’auto-hypnose.

Il y a de nombreuses méthodes qui peuvent être utilisées en hypnose :

  • Safe place : on suggère un lieu de sécurité, que l’on décrit par ses sensations visuelles, auditives, gustatives. La personne amène son esprit là ou on le souhaite. Parfois l’hypnothérapeute pense guider la personne vers un endroit et la personne hypnotisée peut décider d’aller dans un lieu complètement distinct, c’est elle qui choisit ce lieu. Un intérêt est de pouvoir revenir régulièrement dans ce lieu que l’on se crée. Parfois on peut même utiliser des petits rituels pour pouvoir y retourner régulièrement et plus rapidement (on parle d’ancrages).
  • Modification des sensations : On peut prendre conscience des sensations, notamment de celles qui ne nous plaisent pas comme la douleur. Lui donner une couleur, une forme, une texture. Puis ensuite très progressivement modifier graduellement cette forme ou cette texture.
  • Travail sur les comportements et cognitions : L’une des hypothèses de l’hypnose est que les barrières cognitives sont moins importantes lorsque l’on est en état d’hypnose. Donc il est possible d’aller dans cet état, puis de réaliser des suggestions afin d’amener à un changement de comportement.

La sophrologie

La sophrologie a été inventée par Alphonse Caycedo, un neuropsychiatre colombien. Elle se présente comme une technique différente de l’hypnose, même si l’influence semble assez marquée. Elle se base sur « l’étude de l’harmonie de la conscience », un travail sur la respiration, sur la prise de conscience des sensations corporelles et de ses ressources ainsi que de la gestion des émotions et du mental pour « harmoniser le corps et l’esprit ».

La profession de sophrologue n’est pas protégée ni réglementée. Le terme de « sophrologie caycédienne » est déposée. Les sophrologues revendiquent d’être cités notamment dans le plan cancer comme soin de support. Certaines écoles sont déclarées dans le répertoire national des certifications professionnelles.

La méditation

Son origine est liée à plusieurs religions d’Asie du sud-est, notamment du bouddhisme. Elle regroupe de nombreuses pratiques assez diverses. La pratique actuelle laïque a été créé en 1970 par Jon Kabat Zinn, et est utilisée à la fois pour des motifs médicaux et non-médicaux. On parle de méditation de pleine conscience (ou pleine présence), ou le plus souvent son terme anglais « mindfulness »

La méthode est basée sur la focalisation sur des sensations de l’instant présent. L’idée est de comprendre que les pensées ne sont que des représentations psychiques et peuvent être contrôlées ou mises a distance. Ceux qui pratiquent la méditation parlent d’attitude de non jugement. On arrête de trop penser. Il existe deux grands types de programmes standardisés : MBSR et MBCR. MBSR signifie « Mingfulness-based stress reduction » et « MBCT signifie « Mindfulness-based Cognitive therapy”.

La MBCT est en gros l’idée de prendre à la fois « le meilleur » de la MBSR et des thérapies cognitivo-comportementales :

  • Dans les thérapies cognitivo-comportementales on identifie des pensées et des émotions automatiques (qui du coup ne deviennent plus si automatiques), on remet en question des croyances, des cognitions et des modes de pensée dysfonctionnels. Puis on va travailler pour les changer.
  • Dans la MBCT, on va prendre de la distance pour se rendre compte de l’existence de ces pensées, de ses émotions, mais on ne va pas tenter de les modifier. On va faire avec, l’accepter et vivre l’instant présent. Cela doit permettre de se distancer de ses pensées, de son stress et favoriser l’acceptation.

On sait que dans la douleur chronique, il y a des mécanismes d’anticipation et d’amplification de la douleur au niveau cérébral. Les douleurs chroniques sont favorisées par l’ancienneté de la maladie, par le contexte psychologique et le contexte médical. La douleur chronique amène à ne plus être dans l’instant présent, on « pense trop », c’est-à-dire que l’on est trop dans le passé ou le futur (« j’aurai dû faire cela, je dois faire attention à ça ») Il y a plusieurs courants dans la méditation de pleine conscience, et certains vont plus ou moins loin dans les processus psychologiques. Il y a par exemple un courant appelé « acceptance and commitment therapy » qui a pour objectif d’apprendre à ne pas surréagir face aux émotions déplaisantes et à ne pas éviter les situations qui les font se produire. C’est en lien avec la flexibilité psychologique.

De nombreuses différences entre ces trois techniques

Finalement, ces trois techniques commencent souvent par la même manière. On va par exemple faire un travail sur la respiration. C’est très pratique la respiration, car nous respirons tous alors que c’est automatique et nous n’y prêtons pas attention. C’est un bon moyen de commencer une séance.

Un autre point commun est que pour ces trois techniques, il est possible de devenir autonome : les sophrologues, hypnothérapeutes ou praticiens de méditation peuvent apprendre à autonomiser la personne pour réaliser seul ces techniques.

La sophrologie et l’hypnose sont souvent également guidées par une voie douce, qui porte et transporte. En théorie, pas la méditation…

Mais il y a également beaucoup de différences. La plus importante est probablement que la méditation ne cherche pas à cibler des sensations agréables contrairement à la sophrologie ou a de la méditation. De même, la méditation se réalise le plus souvent en groupe, tandis que la sophrologie ou l’hypnose se réalisent souvent en individuel.

Quelles sont les preuves ?

Je ne parlerai que de ce que je connais ici, c’est-à-dire de la douleur.

Pour la sophrologie, je n’ai trouvé qu’un seul essai … négatif … évaluant la sophrologie versus renforcement musculaire dans la fibromyalgie. Le journal n’avait pas d’impact factor.

Pour l’hypnose, il y a beaucoup d’études pour la douleur aigue : une méta-analyse retrouve 85 études et a réalisé une méta-analyse dans 65 d’entre elles, avec 3632 participants, avec une efficacité significative (SMD=0.74, CI95[0.63, 0.84]). Diminution de l’EVA /10 : 5,5  à 4/10. Résultats influencés par la présence de suggestions analgésiques et par l’état d’hypotisabilité (Thompson T et al. Neuroscience & Biobehavioral Reviews, 99, 298-310)

Dans la douleur chronique, il y en a un peu moins. Pour la fibromyalgie, une méta-analyse a évalué les essais randomisés contrôlés ou en cross over, et a recherché une amélioration de la douleur de 50%, de la qualité de vie, des composantes psychologiques, de l’acceptabilité et des effets secondaires (Zech N et Al. Eur J Pain 2017). Il y avait 7 essais randomisés, et globalement cela marchait sur la douleur (RR 0.18 [0.02 -0.35] pour diminution de douleur de plus de 50%), ainsi que sur la composante psychologique (Différence moyenne standardisée -0.50 [-0.91 à -0.09]).

Gros biais : lorsque l’on fait A + B versus A, le bras B est toujours avantagé, car il n’y a pas d’aveugle et il y a une déception de ne pas avoir le bras B ! C’est le souci de tous les traitements non médicamenteux. Que faire ?

Alors un essai a comparé dans la fibromyalgie la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) (qui est le traitement de référence) aux traitements usuels et à la TCC associé à de l’hypnose. L’évaluation était à l’initiation du traitement, à la fin, à 3 et à 6 mois. 123 personnes screenés, 93 inclus. Des douleurs depuis environ 12 ans, et 6% de personnes avant un niveau plus haut que le baccalauréat (donc plutôt des personnes de bas niveau socio-économique, pas exactement les personnes habituelles qui ont de l’hypnose). Evidemment les TCC étaient mieux que de faire les traitements usuels, mais ajouter de l’hypnose en plus des TCC ne changeait pas la douleur ni la fonction mais améliorait l’impact émotionnel de la fibromyalgie.

Est-ce que l’hypnose marche pour les douleurs musculo-squelettiques et neuropathiques ? Sur 9 essais randomisés contrôlés, 530 participants, globalement il y avait une efficacité, surtout lorsque plus de 8 séances étaient réalisées.

Les preuves dans la méditation ?

La méditation est utilisée surtout dans l’anxiété ou la dépression. Elle avait par exemple été étudiée dans une étude de non infériorité randomisée contrôlée versus escitalopram avec succès (JAMA Psychiatry 2022 Hoge E et al.). Pour la douleur, une méta-analyse retrouvait que la méditation pleine conscience avec des sessions durant 3 à 12 semaines était efficace sur les douleurs de plus de 3 mois (Hilton L et al. Ann Behav Med 2017), chez des patients ayant une fibromyalgie, une lombalgie ou une polyarthrite rhumatoide.

Néanmoins ici encore, faire une compilation d’études ou le comparateur est le traitement usuel est à risque de biais : on peut être déçu de ne pas avoir le traitement actif, donc il faut prendre ce résultat avec prudence. Une somme d’études de qualité médiocre ne fait pas une étude de grande qualité.

Une étude récente apporte une meilleure réponse : ici un essai randomisé contrôlé a comparé chez 250 personne ayant des douleurs chronique et un abus de médicament deux stratégies actives. Ici pas de possibilité d’être déçu d’absence de traitement. Soit les personnes étaient traités par une psychothérapie de soutien, soit par de la méditation pleine conscience (E. Garland et al. JAMA internal medicine 2022). La méditation était plus efficace sur le mésusage des opioïdes, sur la sévérité de la douleur, son retentissement, sur la dose d’opioïdes et sur l’échelle d’anxiété et de dépression.

La méditation, le nouveau miracle ?

La méditation est clairement à la mode, et cela a été également favorisé par plusieurs études scientifiques. Une méta-analyse a montré ainsi qu’elle permettait de diminuer la dégradation des télomères. Ces télomères sont grossièrement de petites parties au bout des chromosomes qui se dégradent progressivement au fur et a mesure de la vie, donc la méditation « redonnerait de la jeunesse ». Cette méta-analyse existe, a été publiée dans un journal correct et fait réellement la somme de plusieurs études dans ce domaine.

De même, de nombreuse présentation suggèrent son effet anti-inflammatoire (la méditation diminue certaines cytokines, qui sont des petites molécules pro-inflammatoires), son effet cardio-vasculaire. Il existe également une méta-analyse qui regroupe 30 études qui montre que la méditation modifie de nombreuses aires cérébrales (le cortex préfrontal, le cortex cingulaire antérieur, l’insula, l’hipoccampe), chez des sujets sains ou anxieux, diminue l’activité de l’amygdale, et que cela est aussi efficace chez des personnes qui font des programmes courts ou long de méditation (Gotink R et al. Brain and cognition 2016). Ca vend du rêve, n’est-ce pas ?

Alors, toutes ces études sont exactes, elles existent. Mais la plus grande étude sur le cerveau et la méditation, qui a étudié 218 personnes qui ont réalisé un programme de MBSR a prouvé que … 8 semaines de méditation n’était pas efficace pour modifier le cerveau (Kral T et al. Absence of structural brain changes from MBSR 2019 Science Advance).

De même, est-ce que la mindufulness est meilleure que la musicothérapie pour améliorer ses télomérases ? Une étude sur 158 sujets sains conclut que la MBSR est utile d’un point de vue psychologique mais pas pour redevenir jeune ! (Keng S et al. Behavior Therapy 2020)

Des risques non négligeables

Faut-il avoir peur des effets secondaires de ces techniques ?

Comme je l’ai dit, ces trois techniques sont non réglementées, toute personne peut le réaliser. Pour la méditation, une méta-analyse rapporte une exacerbation des symptômes thymiques possible (Farias M et al. Acta Psychiatr Scand 2020 : 142 : 374 – 393). Par ailleurs, il est possible de favoriser une bouffée délirante aigue chez des individus qui ont une pathologie psychiatrique sous-jacente non équilibrée.

Pour l’hypnose, le rapport inserm de 2015 rappelle qu’il existe un risque d’emprise mentale.

Pour la méditation, qui est la technique la plus à la mode, la MIVILUDES s’est beaucoup penché dessus.

Donc puisque c’est une technique à la mode et non réglementée, de nombreuses personnes en profitent pour proposer de la méditation associée à du jeûne, des retraites ou des pratiques se rapprochant plus ou moins d’une secte.

Il faut se rappeler ici que toutes ces techniques pourraient potentiellement être la porte d’entrée vers d’autres « médecines alternatives », et qu’il a été prouvé que la survie dans le cancer par exemple était altéré chez les personnes qui suivaient ce type de techniques (Johnson et al JNCI J Natl Cancer Inst, 2018)

Il y a actuellement un débat pour ou contre ces techniques, notamment sur la question de son enseignement dans les facultés de médecine, ce débat n’est pas tranché.

Les dérives d’ailleurs existent également chez les médecins, par exemple avec cet article rétracté sur la méditation pleine conscience pour des problèmes de méthodologie et de déclaration d’intérêt

Au total que conclure lorsque l’on souhaite envisager l’une de ces techniques ? Déjà que la sophrologie, l’hypnose ou la méditation ce ne sont pas la même chose. Deuxièmement qu’il s’agit de techniques non réglementées actuellement donc il faut être prudent pour savoir à qui l’on s’adresse. Et par ailleurs, pour choisir il faut également voir quelles sont ses attentes : est-on OK pour réaliser des exercices à domicile ? Est-on OK pour avoir une pratique de groupe ? Qu’est ce qui est disponible proche de mon domicile ?

Les limites dans les études dont j’ai parlé illustrent aussi et surtout la relative faiblesse de la recherche dans la douleur alors que la prévalence de la douleur chronique est de 30% en France et que les traitements médicamenteux sont de plus en plus limités. Investir dans plus de recherche de qualité pour apporter des réponses à chacun est certainement nécessaire

NB : voici mes liens d’intérêts pour cette présentation : j’ai un DU d’hypnose et un de méditation pleine conscience. Je ne pratique ni hypnose, ni méditation ni sophrologie. J’ai eu une rémunération pour une présentation rémunérée par les laboratoires Lilly, sur le thème de la méditation dans les rhumatismes inflammatoires chroniques.


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